Reconstruction en Syrie après 13 ans de guerre : un défi colossal et en suspens
Contexte et financement de la reconstruction en Syrie
État des lieux budgétaires et perception du coût
Malgré la chute de Bachar el-Assad en décembre 2024, la reprise des activités civiles et économiques reste loin d’être assurée. Les estimations évoquaient déjà, pendant la guerre, un besoin proche de 400 milliards de dollars pour rebâtir le pays.
Réalités sur le terrain et exemples locaux
Sur le terrain, les initiatives de reconstruction demeurent majoritairement privées. Selon Hala Kodmani, journaliste franco-syrienne, certains ont investi pour remettre en service des usines ou rénover des habitations, mais l’échelle reste limitée. À Alep, la vieille ville est encore en ruines et le paysage demeure marqué par les destructions.
Fabrice Balanche, spécialiste lyonnais et expert de la Syrie, précise que la reconstruction, lancée sous le régime en place, s’appuie surtout sur les habitants plutôt que sur les autorités. Dans le quartier de Baba Amr à Homs, détruit en 2012, le retour des habitants a été autorisé et une reconstruction artisanale a vu le jour. En revanche, le secteur nord, touché de manière importante, demeure en attente d’un projet immobilier d’envergure.
Priorités d’infrastructures et dynamique des investissements
Infrastructures clés et limites techniques
Pour l’expert, la priorité devrait être donnée aux infrastructures vitales telles que les réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement. Or, les moyens alloués restent insuffisants. Les investisseurs des pays du Golfe privilégient des projets touristiques ou de luxe qui n’améliorent pas directement le quotidien des habitants.
Selon Solidarités International, qui intervient sur des stations d’eau, une partie de l’eau est techniquement potable à la sortie des stations; cependant, les réseaux d’eau et d’assainissement dégradés provoquent un mélange et de la pollution à l’arrivée chez les usagers.
Sanctions, financement et rôle des puissances régionales
Calendrier et impact des sanctions occidentales
La levée des sanctions occidentales est un facteur clé de la reconstruction, mais le processus prend du temps, en particulier aux États-Unis. L’abrogation des mesures doit être votée par la Chambre des représentants avant une signature présidentielle. En pratique, cette levée ne serait pas effective avant le début de 2026, ce qui limite les transferts financiers et dissuade les investisseurs étrangers.
Instabilité politique et enjeux géopolitiques
Contrôle territorial et influence régionale
L’instabilité politique persiste, avec des violences intercommunautaires récentes et une autorité gouvernementale encore partielle sur plusieurs zones. Certaines régions restent sous le contrôle de forces non alignées sur le pouvoir central, notamment des entités kurdes ou des groupes proches de la Turquie, et la question du contrôle effectif des forces de sécurité demeure.
D’autres dimensions liées à l’aide militaire et à la logistique soulignent que la majeure partie des équipements de l’armée syrienne provient de Russie, rendant difficile une transition vers des fournisseurs occidentaux, selon Hala Kodmani.
Les acteurs régionaux, tels que le Golfe et la Turquie, poursuivent des objectifs économiques et d’influence stratégique, tandis que l’Iran, autrefois omniprésent, a vu son poids s’affaiblir. La reconstruction devient ainsi un enjeu géopolitique majeur.
Perspectives pour les habitants et questions de transparence
Conditions de vie et inquiétudes publiques
La population syrienne continue majoritairement à vivre sous le seuil de pauvreté, s’appuyant sur l’aide familiale envoyée depuis l’étranger. Nombreux sont ceux qui craignent que les bénéfices de la reconstruction ne profitent qu’à des cercles proches du pouvoir, et que la transparence du processus fasse défaut.
Les autorités cherchent à attirer des investissements rapides, parfois en s’appuyant sur d’anciens cadres du régime, ce qui nourrit l’inquiétude et la frustration parmi la population.