Un an après Novi Sad : mémoire, manifestations et défis démocratiques en Serbie
Un an après Novi Sad : mémoire et contestation en Serbie
Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont réunies samedi à Novi Sad pour une journée de mémoire consacrée à l’accident survenu à la gare de la ville, avec 16 minutes de silence en hommage aux 16 victimes.
À 11h52 locales (10h52 GMT), une foule immense a plongé dans le silence, marquant le début d’une mobilisation prévue pour durer une partie de la journée. Le 1er novembre 2024, l’auvent en béton de la gare, récemment rénové, s’est effondré, tuant sur le coup 14 personnes, dont deux enfants. Deux blessés ont succombé par la suite, portant le bilan à 16 morts.
Des images recueillies près du lieu ont circulé, illustrant la mémoire collective autour de cet événement et de ses conséquences sur l’espace public serbe.
Cet accident a déclenché l’un des plus importants mouvements de contestation que le pays ait connus, avec les étudiants en tête du mouvement. Pour les opposants au président de droite nationaliste Aleksandar Vučić, il est devenu l’emblème présumé d’une corruption présumée entachant les grands chantiers publics lancés à travers le pays.
Parcours et actions des manifestants
Une marche de 350 km et des perspectives d’action
Depuis plusieurs mois, les étudiants ont adopté des marches longues comme moyen d’action, afin d’atteindre un maximum de villes et de villages pour présenter leurs revendications et répondre à la dé-différenciation médiatique qui les présenterait comme des éléments perturbateurs.
Samedi, après l’hommage silencieux, des discours, des lectures et une marche jusqu’au Danube étaient prévus. Les organisateurs tablent sur une mobilisation majoritairement pacifique.
Cet été, les manifestations ont parfois été marquées par des violences entre partisans du pouvoir et opposants, et plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées. La répression a conduit le Parlement européen à adopter une résolution appelant au droit de manifester pacifiquement et à condamner fermement les actes de répression.
Réactions internationales et enjeux judiciaires
Samedi matin, la commissaire européenne à l’élargissement, Marta Kos, a déclaré via X que la tragédie de Novi Sad était « en train de changer la Serbie », soulignant l’importance de la responsabilité, de la liberté d’expression et d’une démocratie inclusive comme socles d’un cheminement vers l’Union européenne.
Dans son allocution télévisée de fin de semaine, après des mois d’accusations visant les étudiants, le président Aleksandar Vučić a exprimé des regrets et demandé le dialogue, sans toutefois évoquer la question des élections anticipées que réclament les manifestants.
Trois enquêtes en cours
Trois procédures sont ouvertes: une enquête sur l’accident, une enquête du parquet spécialisé dans la lutte contre le crime organisé et la corruption sur des soupçons de corruption liés à des rénovations pour des montants considérables, et une enquête du bureau du procureur public européen (EPPO) sur un éventuel détournement de fonds européens durant la reconstruction.
Dans la première affaire, le parquet a sollicité mi-septembre un procès visant 13 personnes, dont deux anciens ministres, une démarche jugée insuffisante par les manifestants.
Ces informations s’inscrivent dans un contexte de débats intenses sur la transparence des grands travaux publics et le financement européen, ainsi que sur le droit à la protestation dans un État en mutation politique.