Compter sur les doigts : étape clé dans l’apprentissage du calcul chez l’enfant

Le comptage tactile comme porte d’entrée au raisonnement numérique

Utiliser les doigts pour déterminer 3+2 demeure une pratique courante chez les jeunes élèves, mais elle peut aussi susciter des moments de découragement.

Une enquête menée en France en 2023 montre que 20% du personnel enseignant en maternelle et 30% de celui du CP y voient un signe que l élève pourrait avoir des difficultés à comprendre les concepts numériques, rappellent les deux autrices de l étude publiée récemment par l American Psychological Association.

Selon Catherine Thevenot, professeure de psychologie du développement cognitif à l Université de Lausanne et autrice principale, les inquiétudes des parents et des enseignants reposent sur la crainte que l enfant reste bloqué à ce stade et ne parvienne pas à effectuer des calculs plus complexes.

Elle indique que le calcul sur les doigts peut, au contraire, aider l enfant à internaliser le processus de calcul.

Dans leur étude, les chercheurs ont suivi 211 enfants suisses âgés de 4 ans et demi à 7 ans et demi.

Deux fois par an, elles leur ont demandé de résoudre jusqu à trois séries d opérat ion de difficulté croissante : additionner deux chiffres entre 1 et 5, puis additionner un chiffre entre 1 et 5 à un autre entre 6 et 9, puis additionner deux chiffres entre 6 et 9. Elles ont observé si les enfants utilisaient leurs doigts pour y parvenir.

Ressentir dans son corps

Les autrices constatent que le recours au comptage sur les doigts atteint un pic vers 5 ans et demi à 6 ans. Jusqu à 5 ans, davantage d enfants additionnent sans leurs doigts que l inverse. À 6 ans et demi, 92% des enfants avaient utilisé leurs doigts au moins une fois lors des tests.

À 7 ans et demi, 43% étaient des ex-compteurs sur les doigts, c est-à-dire qu ils les avaient utilisés lors des tests précédents mais ne le faisaient plus ; 50% les utilisaient encore et seulement 7% ne les avaient jamais utilisés.

Les doigts constituent, selon Thevenot, le premier outil qui permet à l enfant de marquer la quantité. Cette approche est particulièrement observable lorsque l enfant parle et que chaque mot prononcé est lié à un doigt levé.

La chercheuse rappelle que, dans le cadre du dénombrement, l enfant peut traverser une étape où il associe le chiffre au troisième objet plutôt qu à l ensemble d objets. Avec le comptage sur les doigts, l écart entre mot et quantité devient plus tangible, et l enfant peut le ressentir physiquement : chaque nouveau doigt levé augmente la quantité.

Elle souligne aussi l importance de la notion de correspondance terme à terme, qui implique qu il y a un mot pour chaque objet et que, sur les doigts, cette relation est particulièrement évidente : chaque fois qu il dit un mot, il peut lever un doigt.

Passer à des stratégies mentales

Les enfants qui comptent sur leurs doigts ont déjà commencé à construire ces principes et, à force de pratique, passent progressivement à des stratégies de plus en plus mentales. Par exemple, certains visualisent trois doigts d une main et quatre doigts de l autre pour additionner 3+4, puis lèvent les cinq doigts de la première main avant de compter sur la suivante.

Dans l étude, les enfants les plus performants étaient les ex-compteurs. Dès 6 ans, ces anciens utilisateurs et utilisatrices dépassaient à la fois ceux qui n avaient jamais compté sur leurs doigts et ceux qui continuaient à le faire.

Les enfants les moins performants étaient ceux qui n avaient jamais compté sur leurs doigts.

Si compter sur ses doigts peut sembler naturel, certains enfants ne s y mettent pas spontanément et cet apprentissage peut être enseigné, rappelle Thevenot.

Et si à 7 ans et demi un enfant continue à utiliser ses doigts, cela signifie qu il a encore besoin de ce stade pour plusieurs raisons. Il faut, selon elle, le laisser faire.

Pour en savoir plus, lire aussi : D où viennent les maths ? Comment ont-elles évolué ?

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