Familles monoparentales en Suisse : parcours, défis et réseaux de soutien

Contexte et enjeux des familles monoparentales

Les familles monoparentales restent majoritairement composées de mères isolées, les pères célibataires étant nettement moins nombreux. La conciliation entre vie professionnelle et vie familiale demeure un défi quotidien, et cette situation peut peser sur le plan économique et sur la santé mentale des parents, souvent épuisés et isolés.

Des trajectoires qui se construisent différemment

Zeina, 49 ans, explique avoir toujours souhaité devenir mère, sans vouloir être seule. Après plusieurs relations qui n’ont pas abouti, elle opte pour une maternité en solo via une procréation médicalement assistée. Le parcours est long et éprouvant, s’étalant sur six ans; elle souligne que, même après l’insertion d’un embryon, le corps peut jouer un rôle déterminant dans la grossesse.

À l’époque, Zeina bénéficie d’un accompagnement psychologique et doit réévaluer son modèle familial en raison d’un retour en Suisse après avoir vécu à Boston, où la PMA est accessible aux femmes célibataires. En mars 2020, enceinte de huit mois et demi, elle rentre en Suisse en urgence à cause de la pandémie. Luca naît finalement chez ses grands-parents en Suisse. Une dépression post-partum importante survient ensuite, liée à une chute hormonale après six années de traitements, mais aussi à l’isolement lié au Covid et à la perte de son identité professionnelle.

« J’avais peur de répéter les schémas familiaux que j’avais connus, notamment l’absence d’un père », résume Zeina.

Une paternité non désirée devenue engagement

Chez Jérôme, 43 ans, la vie de parent solo débute sans intention initiale d’avoir un enfant. Il élève aujourd’hui son fils Toma, âgé de six ans. « Je ne voulais pas d’enfant. J’avais peur de reproduire les schémas familiaux que j’ai connus, l’absence d’un père », explique-t-il. Sa rencontre avec la mère de Toma, originaire du Laos, se produit lors d’un voyage : l’enfant n’était pas prévu, mais face à la réalité des conditions de vie du petit au Laos, il décide de tout mettre en œuvre pour l’amener en Suisse avec sa mère. Six mois après leur arrivée, la mère repart, laissant Jérôme seul avec Toma. À la naissance, il se souvient avoir fait une promesse : offrir à son fils la meilleure vie possible, un engagement qui s’est construit progressivement.

Défis quotidiens et soutien

Le quotidien d’un parent solo est marqué par une charge mentale importante. Jérôme se remémore les six premiers mois de Toma, entre pleurs, manque de sommeil et obligations professionnelles. L’arrivée d’une crèche orientée Montessori a changé la donne, permettant à l’enfant de se développer et à Jérôme de construire son lien paternel.

De son côté, Zeina a choisi de retourner vivre chez ses parents, ce qui s’est avéré « salvateur ». Sa mère a pris le relais pendant sa dépression, lui permettant de travailler à temps plein tout en élevant Luca.

Origines et identité du donneur

Pour Zeina, la question des origines est centrale. Elle a choisi un donneur à identité ouverte, afin que Luca puisse, s’il le souhaite, le rencontrer à ses 18 ans. Cette décision a été prise dans l’intérêt de l’enfant, même si elle peut être source de stress pour la mère. Zeina parle régulièrement à Luca de son donneur, qu’elle appelle « le monsieur qui a donné la graine ». Dans la chambre de Luca, un poster de La Nuit étoilée de Van Gogh rappelle le tableau préféré du donneur, originaire de Californie.

Reconstitution du réseau et entraide

Face à l’isolement et aux défis du quotidien, les deux parents ont su tisser de nouveaux liens. Jérôme a trouvé une « grand‑mère de cœur », une voisine d’une soixantaine d’années qui accueille Toma, et il a participé à deux camps pour papas solos organisés par Pro Juventute, qui lui ont apporté un soulagement et permis de retrouver des nuits complètes. De son côté, Zeina a cofondé l’association Maman Solo en Suisse romande, qui compte aujourd’hui plus de 200 membres.

Des familles diverses, mais une réalité partagée

Zeina et Jérôme soulignent qu’il existe plusieurs configurations familiales et que ce n’est pas nécessairement ancré dans la société suisse. Leur modèle, bien que différent de ce qu’ils avaient imaginé, fonctionne et leur apporte aujourd’hui du bonheur.

Luigi Marra / RTS

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