France et Italie : Paolo Levi compare l’Assemblée française à celle d’il y a vingt à trente ans

Une Assemblée fragmentée et un risque de paralysie

Selon Paolo Levi, correspondant de l’ANSA à Paris, la France traverse une crise politique qui, selon ses observations, rappelle celle de l’Italie au début des années 1990 et son instabilité durable.

Dans l’émission Tout un Monde, il précise que l’Assemblée nationale est aujourd’hui fracturée en trois blocs quasi équivalents, ce qui rend la gouvernance difficile, voire bloquée.

Un appel au compromis face à l’impasse

« Nous avons l’impression de remonter le temps ici à Paris, comme si l’Italie d’il y a vingt ou trente ans revenait », affirme-t-il. Il rappelle que la configuration actuelle met en évidence une fragmentation des majorités et une gouvernance potentiellement paralysée dans la deuxième économie de la zone euro.

Face à cette impasse, il est d’avis que la France pourrait s’inspirer de l’Italie pour identifier des priorités de consensus sur lesquelles l’ensemble des forces politiques, de la droite comme de la gauche, pourraient travailler ensemble dans l’intérêt supérieur du pays. « Je pense qu’il existe des chantiers sur lesquels toutes les forces politiques, de la droite et de la gauche, peuvent travailler ensemble, main dans la main, dans l’intérêt supérieur du pays », déclare Paolo Levi.

Le compromis, ce gros mot français

Il cite l’exemple de la période pandémique en Italie lorsque Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne, a agi comme un technicien au‑dessus des débats et a su rassembler les forces en présence. « C’est toute la beauté de la politique. Ne pas se méfier forcément du parti adverse, mais l’embrasser et dire : cela, nous le faisons ensemble », résume Levi.

Il précise toutefois qu’en France, le compromis est souvent perçu comme une compromission, presque comme un gros mot. Selon lui, il représenterait plutôt la noblesse même de la politique, celle qui consiste à s’ouvrir à l’autre.

Selon lui, la France a peu à peu perdu ce qu’il appelle le « muscle de la politique », c’est‑à‑dire la capacité à s’ouvrir à l’autre. Dans l’Hexagone, tout serait noir ou blanc, et la logique du pouvoir oppose trop souvent les camps, freinant la recherche de consensus.

Réformer en France : entre noblesse et révolution

« C’est un exercice hyper noble, mais malheureusement la France est un peu prisonnière de son système atypique », remarque Paolo Levi. Pour lui, le cadre institutionnel français, centré sur un président disposant de pouvoirs exceptionnels, a longtemps favorisé des majorités fortes et freiné la culture du compromis.

Il rappelle qu’après les États‑Unis — du moins en Occident — c’est le seul pays où le président détient à lui seul un pouvoir inédit parmi les démocraties européennes.

« Passez‑moi la blague, mais la France, quand elle a dû se réformer, elle est toujours passée par la case révolution », note-t-il, ajoutant que les réformes majeures ont souvent pris des allures de rupture et que les Français ne seraient pas particulièrement enclins au compromis.

De Rome à Paris : trajectoires de l’extrême droite

Interrogé sur les conséquences potentielles d’une arrivée au pouvoir du Rassemblement national, Paolo Levi rappelle que Rome a connu une dynamique similaire avec Giorgia Meloni, issue d’un parti d’extrême droite. Contrairement à ses promesses électorales, elle aurait opéré un virage vers le centre et aurait conservé l’ancrage italien dans l’Union européenne, tout en bénéficiant du plan de relance européen, d’un montant de 200 milliards d’euros.

Selon lui, cet exemple montre qu’une victoire de l’extrême droite ne conduit pas nécessairement à une rupture avec les cadres européens.

Propos recueillis par : Julie Rausis. Adaptation web : Miroslav Mares.

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